BEZE, petit village bourguignon à mi-distance de Dijon Gray par Fontaine-Française, compte plus de 700 habitants en ce début du XXIème siècle et fait partie du canton de Mirebeau-sur-BEZE.
Le village existait déjà dans l'Antiquité puisque son nom vient du Celte BEZW ou BEDW qui signifie « rivière à sa source » . En effet, le bourg s'est construit près de la résurgence de la BEZE, dont il porte le nom, l'une des plus importantes de France après la Fontaine de Vaucluse.
Des pièces romaines des IIème et IIIème siècles , découvertes dans le bourg en 1850, attestent aussi de son existence à l'époque Gallo-Romaine.
Mais l'histoire de BEZE est surtout connue depuis qu'un duc mérovingien y créa un monastère, sous la règle de Saint-Colomban, en 630. Dès le début une école est créée pour instruire les novices (futures moines), école qui s'ouvrit ensuite aux enfants des seigneurs et des riches familles de la région. Il nous en reste une belle façade gothique (classée) sur la place du bourg. Peu de monastères peuvent bénéficier de la conservation d'une chronique et, en même temps, d'archives aussi riches.
Jusqu'au Xème siècle, l'abbaye est régulièrement pillée et détruite par les invasions. La règle de Saint-Benoît y est retenue à partir de 826.
Ce qui frappe, dans l'histoire de BEZE, c'est son caractère d'abbaye-frontière. Situé aux confins de la seigneurie temporelle des évêques de Langres, du duché de Bourgogne, de la Franche-Comté, le monastère sert de lieu de rencontre aux princes féodaux lorsque ceux-ci cherchent à régler pacifiquement leurs litiges, conférant à l'abbaye le prestige d'un lieu de paix.
Lorsque Guillaume de Volpiano est nommé abbé de BEZE à la fin du Xème siècle, l'abbaye renaît et voit rapidement son apogée qui se maintiendra les XIème et XIIème siècles. Il y aura jusqu'à 50 moines sur place et 100 dans les prieurés qui en relèvent, le monastère ayant des biens à gérer sur 45 paroisses. Parmi ces moines, Raoul Glaber, le célèbre historien de l'An Mil et, plus tard, le moine Jean, auteur de la « Chronique de l'Abbaye de BEZE » et le moine Thibaut, auteur d'un livre sur les « miracles de Saint-Prudent ». Lors de cette grande époque, le Pape Pascal II, se rendant à Langres, séjourna à l'abbaye du 17 au 19 février 1107.
BEZE, sous la protection de l'évêque de Langres, est de ce fait en la garde du roi de France. En pleine guerre de 100 ans, l'abbé Simon de Torcenay (1423 – 1444) crée les forges de BEZE et transforme l'abbaye en abbaye-forteresse dont il nous reste deux tours. C'est sur elles que les sergents du bailli de Sens viennent apposer les panonceaux fleurdelisés. BEZE est un de ces petits centres d'où rayonne l'action de la royauté capétienne, une de ces « enclaves » dont Philippe le Bon et Charles le Téméraire ne pourront venir à bout, en dépit de sa proximité de Dijon.
Encore en pleine gloire, l'abbaye reçoit le roi François Ier et son imposante suite qui se rendaient à Is-sur-Tille où ils séjourneront du 2 au 13 octobre 1535. De ce début du XVIème siècle au début du XVIIIème siècle l'abbaye, progressivement, perd de son importance. La mauvaise gestion des abbés commendataires et les guerres de religion y sont pour beaucoup. Et, en 1636, dans le cadre de la guerre de 30 ans, le destin de la région devient tragique : les Comtois, les Impériaux, les Suédois, les Français rivalisent de pillages et de destructions dans les vallées de la BEZE, de la Tille, de la Vingeanne … En 1662, les moines adoptent la règle de la Congrégation de Saint-Maur.
Le tumulte des armes s'apaise ; BEZE n'est plus une place-forte. C'est un petit bourg placé dans le rayonnement de Dijon, devenu capitale provinciale. Les Bézois, au début du XVIIIème siècle demandent, en vain, leur rattachement à la Bourgogne. Lorsque l'évêché de Dijon est créé en 1731, l'abbé de BEZE en devient le premier évêque. Le titre d' « Abbaye de BEZE » est éteint et le nouvel évêque de Dijon absorbe la mense abbatiale de BEZE, qui n'est plus qu'un simple couvent. Il n'y a plus d'abbé baron de BEZE, mais il reste des moines barons de BEZE.
L'élégant lavoir des Sœurs, les bâtiments actuels de l'abbaye, sont de ce début du XVIIIème siècle. Là, se tenait notamment la bibliothèque monastique qui possédait 4175 volumes lors de l'inventaire fait en 1790 par les officiers municipaux de BEZE. L'abbaye disposait ainsi d'un outil culturel supérieur à celui d'une grande partie des élites locales ou provinciales.
Peu avant la Révolution, les moines verront un curé fort actif battre en brèche leurs droits seigneuriaux et se faire l'instrument des revendications nouvelles d'un clergé paroissial hostile aux réguliers. Ce curé fera reconstruire l'église paroissiale (1768 – 1770), incendiée lors du passage de Gallas, et sera le premier magistrat de BEZE à la Révolution. La commune devient chef-lieu de canton dans le district d'Is-sur-Tille.
L'abbaye, vendue comme bien national en 1791, verra son église incendiée et son cloître entièrement détruit.
Au cours du XIXème siècle, BEZE prospère grâce à sa petite industrie (forge, fabrique d'outils, tréfilerie, clouterie, tuileries-briqueterie, scierie …), son artisanat important (marchand de bois, moulins à farine, à huile, tonneliers, sabotier, horloger et même un fabricant de moutarde...), et son agriculture (producteurs de lait, céréales, houblon …). Au milieu du siècle, sa population est proche de 1200 habitants (120 en 1682 après les ruines de Gallas...). L'aménagement de la belle promenade de la source date de 1846. La mairie actuelle, la cure et le joli lavoir près du pont Penaisot sont de cette époque.
Malheureusement, le XXème siècle voit la désertification des campagnes. La population n'est plus que de 484 habitants en 1975 ! La forge et ses industries parallèles disparaissent au début du siècle. La scierie également mais vers 1980... La culture phare du houblon, surtout depuis 1870, végète puis disparaît dans les années 1990. La vigne aussi, mais le « Clos de BEZE », actuel « Grand cru de Bourgogne », propriété des moines dès la création de l'abbaye jusqu'au début du XIIIème siècle, reste dans les mémoires. Et il en est de même pour le dernier moulin, l'artisanat... Par contre, céréales et oléagineux se développent . Trois hôtels-restaurants répondent aux besoins d'un tourisme grandissant. La découverte de la rivière souterraine de la BEZE, en 1950, et son ouverture au public en 1971 augmente le capital touristique du village qui s'embellit grâce aux efforts des municipalités successives. L'adduction d'eau potable en 1941 et, en 2013, la mise en place de l'assainissement collectif contribuent à l'attraction du village pour une population actuellement grandissante.
BEZE possède encore, de-ci de-là, de nombreuses traces de son prestigieux passé, que l'on découvre toujours avec émotion au fil de ses rues.